vendredi 25 décembre 2009

38.654255,-9.185561, Lisbonne, Portugal

C'est Lisbonne en tempête, rose et jaune en lumières,
C'est la terre qui fait la fête quand la mer se repose,
Quand les marins titubent, étourdis,
Oubliant qui va droit, de la rue pavée ou de leurs pas.

Sous la fortune

43.560491,-10.728149, Cap Finisterre, eaux espagnoles

La houle a grossi,
Est-ce le bateau, hier majestueux, qui s'est fait tout petit?
Un bouchon de liège s'enfouit sous les montagnes,
S'enfouit sous le ciel métallique au dessus, qui nous regarde tout en condescendance, mourir.

vendredi 18 décembre 2009

Lignes

Et puis moi j'en ai marre d'apprendre à écrire,
Ras-le-bol des lignes de a des lignes de A des lignes de â
Je veux savoir déjà tout ça, faire semblant,
Dessiner des ronds tordus sur mon cahier d'écriture, des fleurs qui ressemblent à des clous,
Dire ça c'est un ixe, ça c'est un té, ça c'est un â
Je sais écrire Asterix avec des gribouillages.

On n'aura qu'à parler de tout

De la première neige, des voyageurs sans bagages, de la souris dans les tuyaux, de la grande guerre et de la petite fille qui s'amuse avec ses cheveux, du gâteau qui attend dans le four d'être trop cuit, des orages en Patagonie, du métro qui ne vient pas, de la philosophie jaune et bleue, des chaussettes dépareillées et des coeurs sur l'oreiller, des temps qui changent trop vite et pas assez, de la vitrine du Bon Marché, de la première neige et des voyageurs sans bagages.

On n'aura qu'à s'ouvrir à tout (Saul Steinberg)

mercredi 16 décembre 2009

mardi 15 décembre 2009

Jour de brocante

Je rigolerai bien devant la Mort, me disait-elle, que trouvera-t-elle encore à me piquer? Un corps empoté, une vieillesse délavée, un pauvre jour fatigué?
Ah, ma bonne dame la Mort, c'est qu'on est jour de brocante! Il n'y a plus ici que des antiquités!
Ma belle jeunesse, chaque minute dorée de mon passé, ma toute neuve et si chère folie, avez-vous oublié? Je vous les ai déjà vendues, il y a longtemps, contre un peu de maturité.
Comme alors vous y aviez gagné...

NO (Saul Steinberg)

Stop

Gelées les voitures
Les vélos gris qui attendent au feu vert
Le ciel figé, il a trop froid le temps pour marcher
Seul un parapluie se dépêche, s'arrache à l'immobilité

vendredi 11 décembre 2009

Comptabilité

RDV devant le Centre Comptable de Paris, 9 rue Valenciennes,
Viens tout nu.

jeudi 10 décembre 2009

Dorianes Gray

Il me semble que les belles femmes n'ont pas besoin d'autre qualité,
tant il nous suffit qu'elles se laissent regarder.

14 ans

J'avais 14 ans, à tout casser.

A tout casser les brides, la grammaire et mes os dans les skate parcs, les bisous du bout de la langue, à tout exploser les frontières du réel, la magie des rois, à tout défoncer les rites, routines, ratures, rotules, à tout péter l'autorité, les réunions parents-profs, à tout broyer le noir, le rose bonbon, les coups de fil à retordre, les petits mots dans les trousses, à tout détruire la vie pour tout recommencer.

L'avalanche

La neige est verte, rouge, bleue, elle tourne autour de moi comme un cerf-volant
Je bouge un doigt, une oreille, je suis vivant !
Je hurle de toute la force de ma vie,
Je hurle encore, encore, mon cri traverse la brume blanche, traverse le ciel, traverse les nuages, traverse toute la montagne et revient : ta gueule !
J'entends encore : ta gueule !
Haha, tu es vivant, nous sommes à deux mètres, deux kilomètres, deux centimètres, mon cri est allé jusqu'à toi ! Je hurle encore pour t'entendre me répondre : ta gueule !
Je t'entends, l'ami, répète, répète : ta gueule !
Ta voix déraille et se transforme en boîte à musique, tu chantes ou tu ris : ta gueule !
La neige est dorée et rose, comme le soleil derrière elle,
Je bouge un bras et le cristal explose,
La lumière massacre mes yeux chiffonnés et je te vois : ta gueule !
Je chante : ta gueule !
Je ris : ta gueule !
Haha, nous sommes vivants !

Le jeune endormi qui chante

C'est un jeune homme en forme de microphone,
Ses mains tapent dans son sommeil l'oreiller, qui s'endort en chantant,
Sur scène, sur scène, laissez-moi donc vous présenter le jeune endormi qui chante !
Le jeune assoupi qui danse !
Il se transforme en chanson aux pieds d'une foule qui saute en même temps que son coeur,
Il se transforme en eau, en nuage, en feu, en cendre,
Tout seul au milieu d'un monde où il ne voit que lui-même :
Partout où il se retourne, et sur l'écran, immense, lui-même... sauf ici un visage, là des yeux,
Il reconnaît un bras, une épaule, déjà disparue, où en est ma chanson ?
Sur scène, sur scène, applaudissez le jeune homme en forme de saxophone !
Qu'ai-je dit, qu'ai-je fait ? Je n'ai même pas chanté, et cette lumière, l'épaule disparue, ce xylophone,
Ou était-ce un trombone?

Je me réveille.

mardi 8 décembre 2009

Parfois les gens oublient de ne pas se parler

Lorsqu'un camion se met en tête de faire demi-tour dans une petite rue,
alors même les piétons sont bloqués et tout le monde s'y met:
Ça passe! Ça passe! Encore un peu... Stop!
Attention au poteau, attention les enfants!
Le vélo allez-y avant qu'il ne recule!
Et lorsque le camion finit par se libérer, un instant d'hésitation plane, des sourires et, ah oui, je dois passer, c'est vrai, je suis pressé... Même les voitures, attendries qu'elles étaient, ont oublié de klaxonner.

samedi 5 décembre 2009

J'ai préparé un beau voyage

J'ai préparé un beau voyage. J'en connais les détails, les dates, les adresses : la structure est sonnée comme une messe. Je reconnais déjà des yeux, une montagne, un soleil qui se lève sur une journée bien pleine. J'imagine même l'inattendu. Je dessine un rayon qui passera ici, je pourrai vous raconter que c'était joli. Je ne vous dirai pas joli, je vous dirai magnifique, sublime, je vous dirai que c'est ce rayon qui, comme une étincelle, a allumé la journée. Je rêve d'un sourire que je déchiffrerai, dans un pays dont je ne connaîtrai pas d'autre langue. Je rêve d'une chanson au bord de l'océan, d'une photo en contre-jour, la guitare au premier plan. Je noterai au crayon, à côté d'un croquis, "bleu marine", "bleu azur", "bleu turquoise", "indigo" pour me rappeler la palette merveilleuse dans laquelle l'océan choisissait ses couleurs. Qui peut parler d'un voyage au futur?

Je pense à mon retour, aussi. J'arriverai dans l'hiver français les yeux plissés par mille sourires, dans ces pays dont je ne connaissais pas d'autre langue. Je vous montrerai mes dessins, je vous parlerai de ce soir où la nuit nous avait tous surpris, de cette femme qui racontait un conte dans un dialecte que personne ne connaissait. Je ne vous parlerai pas des moments de solitude, ni de ces soirs où la nuit ne me surprenait pas car je l'attendais depuis midi. J'oublierai aussi l'absurdité de mes pas, le délaissement de mes amis et l'immobilité du soleil au dessus de ma peau cramoisie.

Je serai voyageur, explorateur, je garderai toujours une paillette au fond de l'oeil en parlant de mes plaines lointaines. Je dirai "moi, tu sais, ce n'est plus ça qui m'effraie" avec l'air de celui qui a mangé cru le ventre du dahu. Je parlerai de l'Asie à mes enfants et je les y emmènerai en leur disant que tout a changé, c'est bien dommage. Je leur dirai qu'aux Antilles le temps passe plus lentement, que le soleil monte très haut dans le ciel, si haut qu'on a l'impression qu'il n'en redescendra plus. Je dirai la même chose que tous les voyageurs: je recopierai d'ailleurs sur mon vieux Moleskine une formule d'un auteur que j'aime. Et elle me fera encore sourire quand, des années plus tard, je relirai mes notes.

Je rêve de la lune que je verrai grossir au dessus d'un village d'osier, je rêve d'une plage verte que je regarderai à m'en brûler les yeux depuis le bastingage... Et pourtant je sais bien que là n'est pas ma raison de partir. Car je m'en vais pour savoir si ce qu'on me dit est vrai: s'il est une chose qu'on apprend en voyageant et qu'on n'oublie jamais. S'il est un endroit en nous qui n'existe presque pas avant qu'on ne l'ouvre, qui se remplit de nos itinérances et ne s'en vide plus.
Je veux croire les voyageurs qui me disent de partir, je veux les croire quand ils me disent que les couleurs de leurs dessins n'ont pas su peindre celles -changeantes- de leur coeur. Je veux les suivre, aveugle, lorsqu'ils me parlent de cette lumière, cachée sous leur peau, qui ne fait que grossir et inonder leur corps au rythme de leurs pas, alors même qu'ils la croient chaque fois repue. Je veux les croire, même lorsqu'ils ne me disent rien parce qu'ils ne trouvent pas de mots. Je veux les croire parce qu'ils se trompent peut-être.

Et si je reviens inchangée, alors je vous montrerai la photo de la guitare en contre-jour et je vous parlerai de tous les bleus de l'océan, je vous dirai que l'Asie change vite mais que le temps aux Antilles semble avoir encore ralenti... Et au fond de moi ou peut-être juste là, sous ma peau, j'aurai fait un peu de place pour quelque chose qui ne sera pas venu, ou que je n'aurai pas su reconnaître, et cette place restera vide comme une déception.

vendredi 4 décembre 2009

Imagination

Lorsque l'on voit un pigeon qui fuit devant un bus,
On n'y prête pas attention...

Mais si l'on voyait un bus qui poursuivait un pigeon,
Comme le spectacle serait drôle, comme on applaudirait!

Pauvre pigeon, et pauvre bus, comédiens d'un théâtre au public aussi morne...

Déjà-vu

Il y a des chewing-gums sous mes pas
Déjà mâchés, même déjà piétinés
Un air dans mon esprit
Que je n'ai pas inventé
Les mots s'écrivent seuls
Tant il savent d'avance ce que j'ai à l'esprit
Ils ont l'habitude, les mots

Je voudrais parfois être le premier Homme

mercredi 2 décembre 2009

Tsarines

On retrouve souvent dans le regard glacial des vieilles dames qui ont été blondes
la rogue assurance, l'altière élégance
des impératrices de Russie.

mardi 1 décembre 2009

Du blé, du blé !

Je perds mon temps à chercher des fleurs dans un grand champ de blé
elles sont si peu, presque rien,
poésies au pays des gratte-ciel dorés.

Je perds mon temps parce qu'il est à côté un infini jardin de toutes les fleurs du monde
où je n'ose pas aller.

Mais le rassurant champ de blé...

Capitaine de frégate

Capitaine, fière capitaine,
perchée sur mon mât d'artimon pour réveiller le continent
qui s'est endormi sur l'horizon.
Je serai capitaine,
capitaine de frégate.

Ou bergère, ce serait bien...